samedi 18 mai 2013

La nouvelle donne israélienne

Israël change profondément. Le centre monte, Yesh Atid aurait été le premier parti du pays sans la fusion de la droite du Likoud et de l’extrême-droite laïque de Israël Beiteinu. Le processus de paix, en veille depuis des années, reprend de l'importance et surtout, le rapport au religieux passe progressivement pour la majorité des Juifs au plan culturel. La société est-elle en train de se californiser culturellement et politiquement ? Israël est devenue la 2eme concentration mondiale de startup derrière la Silicon Valley et avec sa seconde place dans le classement des pays les plus éduqués du monde, il semble qu'une dynamique soit enclenché.

Plage de Tel Aviv - domaine publique

Pour répondre à Charle Enderlin


A peine le correspondant bidouilleur de France 2 en Israël, Charle Enderlin, a t'il commis un nouveau livre sur la montée présumée du « fondamentalisme messianique juif » que les élections lui donnent tord. Comment un spécialiste du pays peut-il être autant à côté de la plaque ?

Politiquement l'unique parti qui peut-être considéré comme idéologiquement proche du messianique Juif, le HaBayit HaYehudi, a réalisé un score de 9,12 %. Certes, cela représente une évolution depuis la dernière Knesset qui accueillait alors deux partis portants cette idéologie, le HaBayit HaYehudi, mais aussi le Ihoud Leoumi qui ont fait respectivement 3,34 % et 2,87 %. Une évolution de 2,91 % en faveur du parti des collons justifie t'il de parler d'un Israël « menant le Proche-Orient à un point de non-retour » ?

Non certainement pas, surtout que cette évolution inférieure à 3 % est imputable à une réorganisation politique, la déportation d'une partie des voix des collons du Likoud (plus suffisamment récalcitrant à la paix avec les Palestiniens après la fusion avec Israël Beiteinu) en direction d'un parti entièrement dédié à leurs idées et non d'une évolution de leur nombre ou de la pénétration de leurs positions dans l'électorat israélien.

Avenue Al-Qods à Bamako - Petter Lundkvist - CC BY-SA 2.5

Jérusalem


Depuis quelques années, les ultra-orthodoxes quittent Jérusalem pour s'installer dans des néo-Shtetl, de véritables ghettos ouverts, des villes telles que Bnei Brak où la Halakha (loi religieuse Juive) est respectée à la lettre. Si la ville est devenue trop séculière c'est en parti un signe du changement démographique qui s'y opère (leurs départs étant aussi causé par l'explosion du prix de l'immobilier). La capitale est en effet soumise d'importants chamboulements :

  • Les Juifs sont aujourd'hui plus 64 %.
  • La classe sociale majoritaire dans de nombreux secteurs est passé de petite classe moyenne éduquée à bourgeoisie cosmopolite.
  • L'élite commence  quitter Tel Aviv pour s'installer dans les quartiers chics de Jérusalem-Ouest et s'y retrouve dans des établissements mondains.
  • Véritable renversement, la natalité est devenue plus importante pour les femmes Juive (4,2 naissances par femme) que pour les Palestiniennes (3,6 naissances par femme).
  • 48 % des habitants Juifs se déclarent laïques.


Rue de Jérusalem - domaine publique

Les colons


Les sionistes religieux et orthodoxes modernes sont en perte de vitesse et cela même au sein de leurs bastions tels que la colonie d'Ariel installé en plein cœur de la Cisjordanie. Ils sont en train de moderniser leurs pratiques et certains analystes prédisent même un glissement en direction d'un judaïsme semi-réformé de type Massorti pour une forte minorité d'entre eux (les plus intégrés dans la modernité). Les colons, perçus comme des extrémistes dangereux par une partie importante de la population, sont de plus en plus marginalisés.

Kippas crochetées - Zero0000 - CC BY-SA 3.0


samedi 16 mars 2013

La confortable (mais fausse) analyse dualiste

Régulièrement, dans les médias occidentaux, nous avons du rapport de force dans le conflit israélo-palestinien une image tronqué, car entièrement construite sur les postulas erronés de la gauche sur le dossier : il existe deux antagonistes et dans chacun d’entre eux il y a deux forces qui s'opposent, une progressiste et une conservatrice.

Cette vision à l'avantage de simplifier la situation suffisamment pour en parler au public de façon aisée et permet de traiter cette actualité au Journal de 20h, mais c'est une stupidité maquillée en truisme qui échoue lamentablement à faire la moindre projection ou analyse de fond. Complexifions un peu le débat.

Du côté israélien il existe, au minimum, quatre camps : les colons, les laïques, les sionistes religieux et les ultra-orthodoxes. Il y en a deux naturellement plus susceptibles de faire des concessions, les laïques et les ultra-orthodoxes et deux naturellement peu susceptibles d'en faire, les colons et les sionistes religieux  Chacun est idéologiquement totalement indépendant des trois autres et peut s'accorder, en fonction de ces intérêts, à une position politique différente sur le conflit suivant les circonstances. Nous avons déjà eu des exemples d'alliance sur le dossier de sionistes religieux et de laïque, mais aussi d'ultra-orthodoxe et de colons.

Du côté palestinien, il existe trois factions idéologiques : les nationalistes laïques, les islamistes et les démocrates. Parmi-eux, les islamistes refusent de négocier, les nationalistes laïques sont ouverts aux concessions avec des conditions fortement contraignantes comme la remise en cause de la souveraineté de Jérusalem en préalable et les démocrates sont souvent plus souples que les nationalistes laïques sur ces questions. Contrairement à la société israélienne chacun reste chez soit et les alliances sont toujours les mêmes : islamistes avec nationalistes laïques ou nationalistes laïques avec démocrates.

Connaissant la complexité des rapports de forces internes aux deux sociétés il est moins aisé de résumer le processus de paix à, chez les Israéliens, une opposition entre le camp de la paix et les colons et chez les Palestiniens, entre les modérés et les fanatiques.

samedi 5 janvier 2013

Israël futur fédération de cantons ?

L'antisionisme est, dans l'État hébreu, porté par des intellectuels de hauts rangs qui savent ce qu'ils veulent et construire des scénario particulièrement subtile pour y parvenir. Le dernier en date mais aussi le plus populaire, est le système de l'État binational cantonal. Il a l'avantage à court terme de concilier l'autodétermination des peuples Juif et Palestinien, mais aussi d'accorder la démocratie à tous, de régler le problème de Jérusalem, il suffirait d'en faire un canton « neutre », le problème des colonies qui deviendraient alors simplement des minorités juive dans des cantons arabe etc. Mais ne vous y trompez pas, ce scénario est bien antisioniste. Son application serait le signe de l'éclatement des deux nations, Israélienne et Palestinienne au profit d'une organisation supranationale qui finira par éclater à son tour. Tout le monde le sait, un tel régime politique antidémocratique est basé sur un statu quo bancal ne peut pas tenir. Les Juifs deviendraient alors une minorité dans la grande nation palestinienne arabe, c'est inéluctable.

Si cette solution, un véritable suicide national, est encore proposé sérieusement c'est à cause des collons. Ils sont dans une exaltation messianique et pensent que, à terme, ils seront majoritaires dans l'ensemble de la « terre d'Israël » (de la mer Méditerranée au fleuve Jourdain) faisant fi des prédictions démographiques même les plus favorables. Pour eux, l'organisation politique n'est pas importante seul compte leur présence en Eretz Yisrael et le non démantèlement des implantations en Cisjordanie. La solution des cantons leur est donc particulièrement favorable.

Un certain nombre de laïque de Tel Aviv, de ceux qui lisent Haaretz et qui votent à gauche, penchent aussi en direction des cantons. Excédés par le religieux de plus en plus présent dans la société israélienne, un canton séculier de Gush Dan serait une façon de faire sécession. Heureusement pour l'unité israélienne, ils sont un nombre extrêmement faible et même dans la gauche progressiste qui encore aujourd'hui se revendique fièrement sioniste.

L'idée, elle, fait son chemin en Europe dans l'intelligentsia universitaire et dans les chapelles d'extrême gauche et pourrait même devenir, de leur point de vue, une alternative politique envisageable.

Image d'illustration : Auteur : Upyernoz / licence : Creative Commons Attribution 2.0 Generic

jeudi 3 janvier 2013

État des lieux de l’antisionisme idéologique en Israël

Depuis son apogée à la fin des années 1980, l’antisionisme israélien s’articule en deux grands pôles :

L’élite intellectuelle juive ashkénaze universaliste : elle est arrivée en Israël contre son gré pour fuir les persécutions nazis alors qu’elle était assimilé. Cette vielle élite qui est aujourd’hui en pleine déchéance démographique continue malgré tout à être sur-représenté dans les secteurs stratégiques : universitaire avec les départements de sciences humaines, littérature et philosophie des universités israéliennes ; culturel comme dans le Israeli Film Fund qui finance quasiment exclusivement des films très critiques contre Israël ; judiciaire avec la cour suprême ; médiatique avec des journaux comme l’influent Haaretz et la très écouté Galeï Tsahal (radio militaire) ; institutionnel avec l’agence juive ; politique dans la Knesset... Si vous doutez de leur influence renseignez-vous donc par exemple sur Avraham Burg un ancien Président de la Knesset, Président de l’Agence juive, Président de l’Organisation sioniste mondiale et Président de l'État d’Israël qui est... un antisioniste carabiné est qui milite (entre autres) pour la suppression de la loi du retour et la fin de la définition d’Israël comme l’État nation du peuple Juif.
De nos jours leur démographie est négative et leurs idées de moins en moins populaire surtout depuis la seconde Intifada depuis laquelle ils subissent même un sentiment de rejet de plus en plus important de la classe moyenne, sentiment marqué par l’émergence de groupes d’oppositions extraparlementaires de lutte contre cette idéologie ; des groupes tels que Im Tirtzu qui jouissent d’une popularité croissante.

Les Nouveaux Historiens : en majorité de l’élite intellectuelle juive ashkénaze universaliste (mais pas uniquement avec certains membres séfarades), sous le prétexte de débusquer des « mythes sionistes » dans une « historiographie officielle israélienne » ils ne font que revisiter des travaux d’autres chercheurs avec un regard idéologiquement orienté négativement. Shlomo Sand l’historien d’extrême gauche véritable icône en France pour son plaidoyer anti-sioniste en est le représentant le plus notoire.

Aujourd'hui ils sont discrédités sur le plan universitaire et intellectuel cela même dans des journaux réputé favorables aux thèses anti et post-sioniste. Ainsi, l’historien Israel Bartal a publié dans le Haaretz du 6 juillet 2008 un article pour dénoncer comment Shlomo Sand a inventé une « historiographie juive et israélienne » et des « mythes historiographiques » qui n’ont jamais existé.

En conclusion une question s’impose : l’antisionisme idéologique en Israël sur le point de mourir ou tout au moins de se confiner aux cercles de plus en plus étroits de l’extrême gauche ?

Image d'illustration : auteur : Hmbr / licence : Creative Commons Attribution 2.5 Generic

mercredi 26 décembre 2012

La solution de l’État unique ou la prédiction de Bertolt Brecht


Depuis l’échec relatif des Accords d’Oslo un grand fantasme dans la gauche postsioniste israélienne, comme parmi une certaine gauche européenne — et même une petite partie de l'intelligentsia palestinienne — consiste à se résigner à une occupation prolongée de la Cisjordanie qui la ferait devenir de facto une réserve ethnique. Le projet de l’État arabe de Palestine serait abandonné et l’absence de droit de vote des Palestiniens ainsi que de droit de circulation dans l’ensemble du pays serait alors ouvertement une situation d’apartheid ; des pressions fortes arriveraient de la Communauté internationale, finalement l’État d’Israël disparaîtrait pour devenir une nation de ces citoyens et les Juifs redeviendraient une minorité, comme partout ailleurs. Scénario utopique pour beaucoup car il parvient à faire coexister de façon cohérente les deux vielles chimères de la gauche pseudo-humaniste sur Israël : l’erreur de son existence même et la volonté de résoudre ce conflit interminable sans violences. Cependant, jamais cette solution dite de « l’État binational » ne se concrétisera dans les faits. Jamais les peuples ne le toléreront, pas plus les Palestiniens que Israéliens ne sont résignés à abandonner leur souveraineté et leur auto-détermination. Le nationalisme, cet anachronisme rétrograde pour certains, est le fondement de leurs sociétés respectives. « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple » plaisantait le grand dramaturge allemand Bertolt Brecht.

Puisque les Palestiniens ne veulent pas se résoudre à négocier et à revenir sur le droit au retour, que les Israéliens refusent de diviser Jérusalem et d’arrêter de coloniser... il faut dissoudre leurs peuples.